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Être en bonne santé, le demeurer, prévenir la maladie, mais aussi la diagnostiquer, la soigner et la guérir, gérer nos dépenses collectives de santé… Pour atteindre tous ces objectifs, l’accès et le traitement de nos données de santé constituent de plus en plus aujourd’hui aux yeux des pouvoirs publics des étapes fondamentales. Parmi les solutions envisagées, un objet technique est progressivement apparu, en France, dans les politiques publiques de santé : le dossier médical.

Qu’il se concrétise dans un fichier national de santé informatisé -comme le proposait le gouvernement dès 1970, suscitant au passage une réprobation quasi-unanime des parlementaires- dans un livret papier -le carnet de santé distribué à tous les assurés sociaux en 1996- ou bien dans un dossier électronique accessible en ligne, cet objet vise des objectifs louables. Il s’agit en effet de favoriser la prévention, la coordination, la qualité et la continuité des soins, gages d’un bon niveau de santé et, même si l’objectif n’est pas systématiquement affiché en tant que tel, de mieux maîtriser les coûts de notre système de sécurité sociale. Pour autant, on le perçoit aisément, plusieurs facteurs, parmi lesquels le caractère sensible des données en question ou encore les habitus des professionnels de santé, rendent l’exercice périlleux.

Les questions que suscite le déploiement du DMP sont nombreuses. De fait, son histoire est courte mais paradigmatique.

Esquissé en 2003, la loi lui donne une première forme en 2004, sous l’impulsion de Michel Douste-Blazy, alors ministre de la santé. Depuis 13 ans, cet objet technico-juridique n’a cessé d’évoluer, répondant aux controverses que les multiples annonces de son déploiement imminent ont suscité, intégrant les conséquences de ses échecs, de ses limites et des réticences qu’il suscite et changeant tour à tour d’objectifs, d’institutions et de significations. Retracer cette histoire permet d’apercevoir, au-delà des discours utopiques et des blocages qu’en rencontré le DMP, un certain nombre d’invariants.

Successivement encensé et honnis; personnel et partagé; ouvert par les professionnels de santé ou les patients, autorisant le masquage de certaines données et même le masquage du masquage…, le DMP illustre les difficultés attachées à la conception française de la démocratie sanitaire, du secret médical et de la protection des données sensibles. Par-delà cet exemple précis, peut-être est-il possible de tirer un certain nombre d’enseignements extrapolables à l’encadrement de la collecte, du traitement et de la conservation de données à caractère personnel dans le cadre des procédures que le Règlement général pour la protection des données, adopté en 2016 et qui entrera en vigueur dans l’Union Européenne, en mai 2018, met en place.

Bio:

Directrice de recherche au CNRS, Stéphanie Lacour est directrice adjointe de l’Institut des sciences sociales du politique à l’Ecole Normale Supérieure de Paris-Saclay. Depuis le 1er janvier 2016, elle dirige le Groupe de Recherche « Normes, Sciences et Techniques », qui réunit plus de 50 équipes de recherche en droit, économie, sociologie, anthropologie et sociologie des sciences et des techniques, sur l’ensemble du territoire français. Docteur en droit privé, elle développe ses recherches au carrefour des sciences et technologies émergentes et de leurs régulations. Elle a coordonné plusieurs ouvrages et numéros de revues sur les NTIC, les nanotechnologies et les objets et pratiques scientifiques. 

 

Ce contenu a été mis à jour le 8 mai 2017 à 12 h 09 min.